Conférence donnée par Richard Stallman à la salle d'attente des mariages, deuxième étage de la mairie de Paris XIII, mairie de Paris XIII, le 1er octobre 2004 de 18h15 à 20h30.

Prise de notes de Sébastien Blondeel, <sbi À april POINT org>

Ajouts et modifications de J. Relinger, <jerome POINT relinger À paris POINT fr>

Table des matières

  1. Introduction
  2. Distinction avec les droits d'auteur
  3. Une présentation partiale
  4. Première étape: faire le point sur les brevets qui vous concernent
  5. Une recherche difficile (ou impossible)
  6. Éviter le brevet
  7. Obtenir une licence
  8. Invalider le brevet au procès
  9. Un champ de mines
  10. Spécificité de l'informatique
  11. Les vices des brevets
  12. Questions/réponses

Introduction

Accueil de Jérôme Relinger, élu de l'arrondissement en charge des TIC

Je vous souhaite la bienvenue dans le 13e arrondissement, engagé depuis trois ans et demi pour l'Internet Libre, citoyen et participatif. Notre engagement s'est récemment concrétisé par l'ouverture du premier EPN entièrement Libre de France, dans le quartier des Olympiades. Mais c'est aussi celui de Lutèce, le CMS (Content Management System, ou système de gestion des contenus) Libre de la Ville de Paris, ou notre position contre les brevets que vient appuyer M. Stallman ce soir.

Cet engagement témoigne, contradictoirement, d'une progression des idées du Libre dans la Société et donc en politique, mais aussi d'un besoin de soutien du Libre par les pouvoirs publics. Sujet quasiment ignoré jusqu'ici, les Logiciels Libres deviennent à la mode. Sortant du domaine scientifique et de l'éducation, ils font irruption dans le champ politique où ils remportent une telle apparence de soutien qu'ils font quasiment consensus. Mais qui est vraiment prêt à jouer le jeu?

Le Libre a fait apparaître l'inutilité des dépendances artificielles construites à coup de milliards de dollars et de centaines de milliers de brevets par les géants logiciels et les majors de la production culturelle et de Loisir. Pourtant, l'illusion persiste jusque dans les milieux mêmes du Libre que l'affaire est une seule question de technologie. Cette escamotage intellectuel tente de réduire le mouvement du Libre à ses réalisations logicielles, passant sous silence son modèle économique et social de production et d'échange. Il est ainsi utile à tous ceux qui aimeraient faire profiter le système marchand de la dynamique Libre sans en remettre en cause la logique capitaliste.

Car la «classe politique» n'est-elle pas unanime? Ces adhésions nombreuses et plus ou moins tardives ont un point commun: elles restreignent le sujet à une apparente rationalité économique, voire tentent de déplacer le problème dans le champ du «gratuit». En faisant croire qu'il s'agit tout simplement d'un «déplacement du Marché», mais surtout sans s'attaquer à la logique libérale, elles passent sous silence une contradiction fondamentale entre organisation capitaliste et Logiciels Libres, au moment même où la bataille fait rage entre les deux.

Pour qui en douterait, il suffit de feuilleter l'agenda législatif: la guerre est déclarée, et «le marché» a sorti la grosse artillerie. Directives européennes «brevetabilité logicielle» et «IP enforcement», loi «confiance dans l'économie numérique», transposition du paquet télécom en droit français, offensive technologique TCPA et directive «EUCD», etc... tous les coups sont permis pour faire la peau de l'Internet Libre et des systèmes participatifs et interopérables. Cette hostilité montre s'il le fallait que le Libre préfigure une logique coopérative d'échange volontaire des savoirs, vécue comme menaçant la hiérarchie des pouvoirs du monde marchand — pourtant acceptée par ceux qui découvrent aujourd'hui le Logiciel Libre et prétendent le soutenir.

Nous soutenons pour notre part cette logique et sommes heureux et fiers d'accueillir M. Stallman.

Intervention de RMS

Au début du projet GNU, nul ne savait s'il était possible de développer du logiciel libre. Aujourd'hui, le danger est de ne plus pouvoir le faire à cause des brevets logiciels.

Des juges aux USA ont autorisé les brevets logiciels sans y réfléchir: ce n'est pas leur travail.

En Europe, vous avez la possibilité d'éviter le problème. Les brevets logiciels ne sont pas perçus comme une arme contre le logiciel libre: le danger existe pour tous les développeurs de logiciels et leurs utilisateurs. Ce n'est pas une question de logiciel libre, mais de celle de la liberté d'écrire et d'utiliser des programmes.

C'est commode: les développeurs de logiciels propriétaires et privés s'allient et joignent leurs forces aux nôtres, car tous sont menacés de la même manière.

Dans ce qui suit je parlerai donc très peu de logiciel libre.

Distinction avec les droits d'auteur

Il faut tout d'abord éviter la confusion entre brevets et droits d'auteur. Elle est encouragée par des expressions comme «propriété intellectuelle», qu'il ne faut jamais utiliser. La «propriété intellectuelle» c'est mélanger plusieurs lois distinctes avec des implications différentes. Il est impossible de mêler les brevets et les droits d'auteur ensemble; il faut reconnaître que ce sont des questions différentes.

Un droit d'auteur existe pour une œuvre, et couvre les détails de son expression. Un brevet s'applique à un concept de quelque chose à faire plus ou moins général.

Les idées sont explicitement exclues de la loi sur les droits d'auteur. Un droit d'auteur existe automatiquement dès que quelque chose est écrit. Un brevet est accordé par un bureau des brevets, agence du gouvernement, et fait suite à une application (NDsbi: anglicisme pour [procédure de] demande) dont les frais sont assez chers (et les avocats chargés de bien écrire les brevets sont encore plus chers).

Il existe donc une bureaucratie des brevets, mais pas pour les droits d'auteur.

Pour qu'une idée soit brevetée, elle doit contenir une étape «inventive». Qu'est-ce à dire? Les détenteurs de brevets veulent faire croire qu'ils ont inventé quelque chose. Si une idée n'est pas évidente à quelqu'un avec un QI de 80, elle peut être brevetée. Ce n'est pas que les examinateurs des bureaux des brevets soient stupides, c'est qu'ils suivent des règles et que les règles sont ainsi.

Un droit d'auteur dure très longtemps. Il peut durer 150 ans. Un brevet dure 20 ans, ce qui est très long dans le domaine de l'informatique.

Un droit d'auteur interdit la copie, rien de plus. Si vous passez un an complètement isolé du monde extérieur dans une caverne pour écrire un roman, indépendamment écrit à l'identique dans le même temps, il n'y aura pas violation du droit d'auteur si vous pouvez prouver que vous n'avez pas copié, même si les deux romans ont exactement le même texte. C'est autorisé.

Un brevet est un monopole absolu sur l'utilisation d'une idée, même si on peut prouver qu'on a eu la même idée indépendamment.

Tout ceci montre que la structure et les détails de ces deux lois sont complètement différents. Elles sont différentes presque en chaque point, et n'ont presque rien en commun. Elles ont eu des évolutions indépendantes.

Voilà pour la différence avec les droits d'auteurs.

Une présentation partiale

Ceux qui expliquent le fonctionnement des brevets y travaillent généralement (ils sont bureaucrates ou avocats): ils y ont des intérêts. Ils expliquent donc le fonctionnement du système avec un préjugé implicite pour convaincre que le système est bon.

The Economist a écrit que le brevet est une loterie, un gaspillage de temps. Les annonces publicitaires des loteries attirent l'attention sur la probabilité infime de gagner, en passant sous silence la grande probabilité de perdre. Sans mentir explicitement, elles donnent une image fausse des résultats à attendre.

Le point de vue du détenteur du brevet et qui l'utilise pour attaquer les gens est comparable à quelqu'un qui marche dans la rue et braquerait au hasard les passants avec une arme pour les dépouiller de tout leur argent.

Pour compenser ce préjugé, je vais donc expliquer le fonctionnement du système de l'autre côté: celui du développeur ou utilisateur, victime des brevets.

Première étape: faire le point sur les brevets qui vous concernent

Il faut d'abord trouver tous les brevets qui pourront restreindre ce qui va dans le programme. Ceci est impossible: les applications (anglicisme) sont gardées secrètes un an et demi en Europe. On ne peut rien faire pour éviter ce risque, et il est possible qu'on développe un programme alors qu'un brevet qui correspond à une de ses idées est en cours de dépôt.

Ce risque n'est pas que théorique. En 1984, nous avons écrit un utilitaire de compression utilisant l'algorithme LZW, alors publié dans un article scientifique. C'était l'époque où nous avions encore la naïveté de supposer que les articles des journaux et revues montraient des techniques pour que nous puissions les utiliser dans la programmation. Le brevet est sorti en 1985. Son détenteur a attendu quelques années avant d'attaquer, pour que les utilisateurs creusent leur trou plus profond, d'où il leur serait plus difficile de s'échapper. Mais vers la fin des années 1980, on le savait.

Nous avons eu une nouvelle idée de compression. Une semaine avant la publication de notre programme, le New York Times a mentionné un nouveau brevet sur une méthode de compression des données. Après inspection plus poussée, elle couvrait notre programme, qui était donc mort-né.

Quelqu'un d'autre a trouvé un autre algorithme et écrit gzip (c'est le même code qui fut repris dans WinZip). C'est désormais la méthode courante pour compresser les données. Cela paraît une fin heureuse... mais deux fois dans le même petit champ nous avons eu ce problème.

Si on s'engage dans l'écriture d'un programme, on ne peut rien faire pur savoir quel brevet peut interdire ce programme dans l'avenir.

Une recherche difficile (ou impossible)

Vous pouvez avoir accès aux brevets actuellement accordés et publiés. Mais ils sont trop. Il faut donc chercher ceux qui ont quelque chose à voir. Cela ne fonctionne pas parfaitement: on en trouvera beaucoup, mais pas tous. Il n'y a en effet pas de méthodes de recherche sémantiques, mais superficielles (liées aux mots-clés, aux relations, aux expressions utilisées).

Exemple: idée du recalcul dans l'ordre naturel pour un tableur (les premiers tableurs, programmés pour des machines peu puissantes, faisaient tous les calculs de haut en bas). C'est l'algorithme du tri topologique.

Ce brevet décrit des dizaines de manières d'implémenter cet algorithme. J'ai envoyé, à sa demande, une copie de ce brevet à un correspondant. Une semaine plus tard il me répondait que je m'étais trompé, car je lui avais transmis un texte concernant les compilateurs! Le titre en était: «Méthode pour compiler les formules en code objet». C'était pourtant le vrai brevet... Interloqué, j'ai enquêté: il ne contenait pas les mots «tableur», «ordre naturel de recalcul», «tri topologique»... mais était écrit avec d'autres expressions. Une recherche de brevets sur le sujet des tableurs n'aurait donc pas trouvé ce texte, qui n'aurait pu apparaître que lors d'un procès...

On peut trouver beaucoup de brevets. Dépenser beaucoup de temps et d'argent à expliquer à ses avocats ce qu'on veut faire et ce que couvrent ces brevets. Ces textes sont écrits d'une manière très alambiquée: seuls les avocats spécialisés comprennent le langage des brevets. Ils nous diront alors «Si vous faites ceci dans cette région, vous avec une très forte chance de perdre un procès. Si vous faites ceci dans cette région, vous aurez une bonne chance de perdre. Pour être vraiment sûr de votre fait, il faudrait éviter cette grande région mais il existe un élément d'incertitude dans le résultat de tout procès...».

Que faire? Pour chaque brevet, trois choix s'offrent à nous:

  1. éviter le brevet (ne pas utiliser son idée)
  2. obtenir une licence d'utilisation
  3. tenter d'invalider le brevet dans un procès

Chaque option fonctionne parfois, ou pas.

Éviter le brevet

Pour éviter le brevet, il faut ne pas utiliser son idée. Cela peut être facile, difficile, ou impossible, selon les détails.

Ex: un algorithme. Si toutes les solutions de remplacement sont brevetées, on pourra éviter chaque brevet, mais pas tous à la fois. Parfois, il n'existe qu'un algorithme pour faire un travail donné.

Ex: LZW (utilisé par compress). Nous avons trouvé (Jean-Loup Gailly) un algorithme de compression évitant ce brevet et beaucoup d'autres.

Mais si le but est d'implémenter PostScript, ce langage propose des opérateurs de compression et décompression. Ses spécifications mentionnent LZW. Le brevet est donc impossible à éviter...

Heureusement, les brevets sur LZW ne s'appliquent pas aux décompresseurs purs. Les gens n'exigent pas de compression pour les imprimantes... La compression est impossible mais pas essentielle. Nous avons donc juste évité ce brevet sans un échec pratique.

Mais pour implémenter le format GIF, standard pratique pour les images sur Internet, il faut aussi utiliser l'algorithme LZW. Il n'existe pas d'autre manière de l'implémenter.

Quelqu'un a proposé le format PNG (PNG is Not GIF), qui utilise gzip au lieu de LZW. Mais seule une petite portion des utilisateurs ont changé: les navigateurs ne supportent pas ce nouveau format, disaient-ils. De leur côté, les développeurs de navigateurs disaient: les utilisateurs ne l'exigent pas... C'est la même idée que de convaincre tous les Français de parler russe... ou swahili. Il est très difficile de changer de langage standard.

Concernant le JPEG: il y a un an ou deux, quelqu'un a découvert qu'il détenait un brevet le couvrant. Mais JPEG est publié par un comité, qui refuse de reconnaître que ce brevet couvre ce format. Des procès sont en cours...

Tous ces exemples ne sont que de petits cas, couvrant un brevet ou deux. Sur GIF, il existe deux brevets, s'appliquant tous deux à l'algorithme LZW. Ils sont superficiellement très différents. Il faut réfléchir longtemps pour reconnaître leur similitude, et les examinateurs des demandes de brevets sont pressés de produire. Ils avaient, selon une étude publiée il y a quelques années, environ 17 heures en moyenne par application (anglicisme). Ils n'ont donc pas le temps de tout considérer profondément: c'est impossible...

Pourquoi est-ce si dur? Le sujet est mathématique, logique. Dans les autres domaines, on peut normalement décider très vite. Si deux processus utilisent les mêmes données et produisent les mêmes résultats, il faut s'y pencher. Pour deux brevets de compression, il n'y a pas de raccourci. On ne peut pas décider vite. Systématiquement, le bureau des brevets publie plusieurs brevets sur quelque chose.

C'est la même chose pour l'autre algorithme, mort-né. C'est la même chose pour MP3 (qu'un seul brevet couvre). Ce sont des cas légers. Mais le format de compression vidéo MPEG 2 est couvert par 39 brevets aux USA! J'en ai vu la liste. Il est impossible d'éviter ces brevets. C'est comme d'habiter en France et d'éviter le français...

Parfois, on peut éviter un brevet. Ex: compression de fichiers. Parfois, on peut le faire, ou pas. Souvent, une fonctionnalité est brevetée; il faut alors ne pas la proposer. Est-ce pas grave ou un désastre?

En 1990, les utilisateurs de Zywrite ont reçu par la Poste un downgrade. Il éliminait la fonctionnalité de définir des abréviations (en quelques lettres, on pouvait taper des mots ou expressions complets). Cela permettait de taper quelques caractères au lieu de plusieurs mots ou un long mot. Ce fut breveté dans les années 1980.

Les développeurs de Zywrite furent menacés. Ils ont tenté de négocier une licence, mais le détenteur du brevet changeait sans cesse de position et de critères. Ils ont conclu que la négociation était impossible et ont donc envoyé ce downgrade aux utilisateurs.

Mais Emacs disposait de cette fonctionnalité dans les années 1970. C'est bon de savoir que j'ai eu au moins une idée brevetable dans ma vie! Ce brevet fut donc invalidé partiellement sur mon travail (NDsbi: quand on peut faire état d'antériorité, un brevet est invalidé). Ce fut une fin heureuse. Un brevet de moins, quelques centaines de milliers qui restent.

Si le développeur veut enlever trop de fonctionnalités, les utilisateurs diraient que le programme n'est pas utilisable: une, cela va; une centaine, non! Parfois, un brevet est si large qu'il interdit un champ entier. Ex: le cryptage à clé publique fut interdit jusqu'en 1997 aux USA.

Obtenir une licence

Le détenteur du brevet n'est pas obligé de fournir une licence et peut décider de mettre fin à l'entreprise.

Cela peut être très cher. Ex du brevet de calcul dans l'ordre naturel: le détenteur exigeait 5% du prix de vente des tableurs. Une licence, c'est peut-être acceptable, mais 20? Impossible... et que faire si le détenteur d'un 21ème brevet attaque alors? Selon mes amis dans les affaires, il suffirait de 2 ou 3 brevets pour mettre fin à l'entreprise sous ces conditions!

Pour les grandes entreprises, il est facile d'obtenir une licence: elles détiennent de nombreux brevets et mettent en place des schémas de licences croisées.

IBM explique cela dans Think Magazine numéro 5 de 1990 (NDsbi: Cf. http://lpf.ai.mit.edu/Links/prep.ai.mit.edu/ibm.think.article). IBM tirait deux bienfaits de ses 9000 brevets aux USA:

  1. recevoir de l'argent
  2. un bienfait dix fois plus grand: un accès aux brevets des autres par des licences croisées.

Cet article est utile: c'est une manière de mesurer la quantité de bienfaits et de mal à attendre d'un brevet informatique.

Conclusion d'IBM: l'effet nocif est dix fois plus important que les bienfaits. Mais pas pour IBM; cela ne concerne que les petites entreprises qui n'ont pas 9000 brevets et ne peuvent pas le faire. Normalement, elles n'ont que 2 ou 3 brevets, qui ne suffisent pas. Elles évitent seulement une petite portion des problèmes, mais IBM peut. Cette société reçoit uniquement le bon et peut faire des licences croisées avec d'autres sociétés de sa trempe. Elle crée ainsi un club exclusif dont nous sommes exclus.

Il est très important de comprendre les effets des licences croisées.

C'est un mythe que les brevets protègent les petits inventeurs (comme aiment à le dire les partisans de ce système). Scénario improbable: un inventeur isolé travaille longtemps chez lui. Puis son invention est prête. Il veut fabriquer des choses qui auront un grand succès, mais un seul problème l'en empêchera: les grandes entreprises peuvent lui faire de la concurrence. Par conséquent, son entreprise fera faillite et il mourra de faim.

Mais les progrès techniques se font par des gens du domaine, qui travaillent ensemble.

Son entreprise fera faillite s'il ne sait pas bien la gérer. S'il sait la gérer, il exploitera les avantages des petites entreprises. La majorité des petites entreprises font faillite en quelques années, mais pas toutes.

S'il a du génie technique et sait gérer son entreprise, il pourra trouver du travail sans mourir de faim. Ce scénario est donc improbable.

Le mythe veut que les brevets protègent ce génie. Si IBM veut lui faire de la concurrence, il lui rétorquera «j'ai un brevet». IBM réagira alors d'un ton désabusé: (C'est toujours ainsi! Encore... [Not again!]) «Aaaaaah... vous avez un brevet. Nous avons ces 5 brevets qui s'appliquent aux aspects de votre produit. Si vous pensez pouvoir les battre en justice, nous en avons d'autres. Signez donc ce programme de licences croisées...»

Maintenant, vous comprenez pourquoi le système des brevets ne protège pas les petits créateurs! C'est un mythe. Ce lobby l'utilise pour convaincre les politiciens qui ne connaissent pas l'informatique. C'est à vous de le leur expliquer.

Des fois, même IBM ne peut imposer des licences croisées car des entreprises parasites ne font que des menaces avec leur brevets vis-à-vis des entreprises qui produisent des choses. Elles-mêmes ne proposent rien.

Les avocats de brevets vantent les mérites de ce système mais leur propre champ en est exclu! Aucun brevet ne couvre les techniques de défense, de rédaction d'une lettre de mise en demeure, ou les arguments permettant de convaincre un juge...

Même IBM ne peut avoir de brevets sur ce que les entreprises parasites font. Elle doit donc payer, et nous tous avec elle.

Il existe des développeurs de logiciels qui ont des difficultés plus grandes pour obtenir des licences: les développeurs de logiciels libres. Usuellement, les licences prévoient un paiement par nombre de copies. Nous ne pouvons pas les payer! Même si une licence exige un millionième d'euro par copie, j'ai peut-être en poche de quoi la payer, mais je ne peux pas la payer faute de connaître le nombre de copies!

Dans une licence, toutes les conditions sont possibles. Les paiements forfaitaires sont souvent importants (et se chiffrent en centaines de milliers d'euros).

Le logiciel libre a réussi à se développer sans argent, mais on ne peut pas acheter des licences sans argent, sans investissement. Les brevets sont donc encore plus dangereux pour le logiciel libre. Nous sommes capables de servir le public, mais y serons-nous autorisés?

Invalider le brevet au procès

Il faut avoir un argument, et cela dépend de faits vieux, antérieurs au brevet. Des dés ont été jetés il y a de nombreuses années. Si le résultat nous était favorable et qu'on peut le prouver, on peut tenter sa chance (mais cela peut coûter des millions de dollars aux USA, moins en Europe mais c'est quand même difficile).

Même les attaques par des brevets invalides sont très dangereuses pour leurs victimes. Les grandes entreprises peuvent se défendre; pas les petites.

Chacune de ces trois options est possible ou non, selon les différences de détails du cadre. Parfois, aucune des trois n'est possible; votre projet est alors détruit.

Un champ de mines

Les développeurs en réalité n'essaient pas de trouver les brevets qui s'appliquent (sinon les sanctions sont plus grandes): nous fermons donc les yeux et progressons en tentant de ne pas marcher sur un brevet. Chaque décision technique présente un petit risque. Finalement, on perd à coup sûr.

Les brevets informatiques rendent dangereuse l'informatique.

Spécificité de l'informatique

On me demande souvent: «Pourquoi les brevets sont-ils admissibles dans d'autres champs, et pourquoi l'informatique forme-t-elle une exception?»

C'est une question idiote, car elle repose sur un préjugé. Mais il est possible de la rendre intelligente ainsi: «Quelles sont les différences entre les champs qui ont des implications pour une politique sage de brevets?»

Dans des champs divers, la relation entre les brevets et les produits est différente. On peut selon ce critère définir toute une gamme.

En voici une extrémité: l'image que nous avons du système des brevets est presque toujours fausse aujourd'hui (elle était peut-être vraie au début du XIXème siècle). C'est la suivante: à chaque produit correspond un brevet. Celui qui a conçu le produit ne risque donc pas d'être poursuivi, et il peut obtenir le seul brevet qui s'applique à ce produit.

C'est presque encore ainsi pour les médicaments (dont la formule complète est brevetée). Il n'y a pas de problèmes de brevets antérieurs. Ce n'est plus complètement ainsi; ce champ a commencé à changer il y quelques années. Quand un médicament sort, il y a désormais un petit risque qu'il soit concerné par un brevet plus large.

Les autres champs d'ingéniérie ont plus changé. Celui qui a changé le plus est l'informatique. En effet, on y combine plus d'idées dans un seul produit que dans tout autre champ.

Cela concerne même les produits physiques! Il y a un siècle, quand les USA sont entrés en guerre pour la deuxième guerre mondiale, il était impossible d'y construire des avions modernes. Ils étaient concernés par plusieurs brevets dont les détenteurs ne s'aimaient pas et n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Le gouvernement a tapé du poing sur la table, leur a donné une somme forfaitaire et a ordonné aux industries d'armement de construire des avions.

Un programme peut être couvert par des centaines de brevets à la fois. Pourquoi l'informatique occupe-t-elle ainsi l'autre extrémité du spectre? Elle est plus facile que les autres champs, car utilise les composants idéaux et mathématiques.

Les autres champs utilisent la matière, qui est perverse, fait ce qu'elle veut, et l'humain ne le sait pas. La matière a toujours raison, même si elle se comporte de manière inattendue. En informatique, on n'a pas ces problèmes...

Si je mets une instruction if dans une instruction while, je n'ai pas besoin de me préoccuper d'une chute de tension trop grande pour le fonctionnement de l'instruction if. Ni de me préoccuper du fait que la fréquence de répétition de l'instruction while entre en résonance avec l'instruction if, qui va entrer en vibration. Ni qu'une fréquence plus haute encore induise des valeurs fausses ailleurs dans le programme, comme des interférences radio. Ni de m'assurer que la chaleur produite par l'instruction if puisse s'échapper à travers l'instruction while faute de quoi l'instruction if brûlera (burn down). Ni de craindre qu'un fluide corrosif ne s'introduise et ne nuise à la connexion entre les deux... Je n'ai pas de problème pour savoir comment remplacer l'instruction if si elle brûle, se rend, se corrode, ou quoi que ce soit, ni pour savoir comment ôter l'instruction abîmée et la remplacer, ni pour construire une usine pour fabriquer des copies du programme...

La conception des produits matériels est contrainte par leur fabrication. La construction de l'usine coûte très cher. Son design peut coûter plus que celui du produit. Mais je puis utiliser le même programme pour copier n'importe quoi.

L'informatique est différente; c'est un champ plus facile. À intelligence égale, on peut y faire des projets plus grands, combinant plus d'idées. Un produit physique combine plusieurs dizaines d'idées, plusieurs centaines pour les produits les plus ambitieux. Un produit informatique combine des milliers d'idées, potentiellement brevetées. Il sera donc concerné en moyenne par plus de brevets qu'un avion ou un processus chimique.

Ex: 300 brevets couvrent un programme particulier: le noyau Linux. Celui-ci représente 0.25% du système GNU/Linux entier; on peut donc s'attendre que ce dernier soit concerné par 100 000 brevets (c'est incertain, et ce nombre peut se situer entre 30 000 et 300 000). C'est un grand travail de recherche, ce qui explique qu'il n'ait été mené que pour le noyau Linux.

Les vices des brevets

L'existence même des brevets, quels que soient leurs détails, est une entrave au développement des logiciels. Les nouvelles idées sont un byproduct du développement logiciel. Les brevets informatiques tentent d'interdire l'utilisation des programmes et d'entraver leur développement; nous aurons donc moins d'idées!

C'est un système contre-productif dans ses propres termes, dans ses buts explicites.

Il existe aux USA une étude économique montrant que le système des brevets entrave le progrès dans un champ siège de nombreuses innovations. L'article se trouve sur http://www.researchoninnovation.org/patents.pdf.

Il existe aussi un article montrant que le transfert d'argent aux USA s'est fait de la recherche vers les brevets depuis la mise en place de ce système.

Théoriquement et pratiquement, tout ceci montre que ce système n'a que des effets mauvais. Ceux qui le défendent prétendent que les brevets promeuvent le progrès. C'est doublement n'importe quoi:

  1. ils n'engendrent pas le progrès
  2. ils ne promeuvent rien

Que se passe-t-il en Union européenne? Je travaille avec la FFII, organisation qui coordonne la campagne contre les brevets informatiques en Europe. Je passe la parole à son représentant.

Intervention de Gérald Sédrati-Dinet (gibus), représentant de la FFII <gibus À ffii POINT fr>

Je vais vous présenter la situation politique et quoi faire.

La situation a changé le 24 septembre 2003, quand le Parlement a limité la proposition de directive émanant de la Commission européenne. Ce fut possible car nous avions expliqué aux leaders politiques les dangers des brevets.

L'industrie informatique en Europe est très dynamique grâce aux PME.

Désormais, les lobbies pro-brevet reconnaissent que les brevets sont dangereux pour les ordinateurs. Ils ne les réclament plus que pour les logiciels embarqués dans les machines à laver, les systèmes de freinage ABS, etc... qui représentent un investissement.

Nous sommes d'accord sur ce point, mais dans leurs propositions ils ont mis toutes les dispositions pour que la brevetabilité des logiciels soit effective pour les programmes purs et durs.

Il nous font donc maintenant expliquer pourquoi ces propositions ouvriraient un champ illimité à la brevetabilité.

La procédure de co-décision est en cours, avec allers-retours entre le Parlement et la Commission européenne (rassemblant les ministres concernés par les domaines dont il est question).

En première lecture, le Parlement a très bien défini le champ. Le 24 mai, la Commission de l'Union européenne a réussi à faire adopter, par des moyens détournés, des astuces de langage et de formulation, tous les brevets d'ordinateurs.

Depuis, les parlements nationaux leur ont montré qu'ils s'étaient laissé tromper.

Le parlement hollandais a voté quelque chose qui discrédite le vote de son ministre. En Hongrie, ça bouge. En France, ce problème a fait l'objet de quatre questions écrites: nous demandons que cela donne lieu à un débat public à l'Assemblée Nationale. Si les ministres au Conseil de l'Europe mettent nos entreprises sous la coupe des détenteurs de brevets, pour la plupart extra-européens, cela doit se faire démocratiquement et aux parlements. Il en va de même pour toute l'Europe.

Cf. les sites web ffii.org, ffii.fr

Nous prenons contact avec les leaders politiques, tentons d'ameuter l'opinion publique, les journalistes, ... et vous invitons à nous rejoindre. J'ai déposé une pile de tracts sur la table du fond.

Questions/réponses

Question: si j'ai bien compris, breveter un programme informatique, c'est breveter des idées.

RMS: chaque brevet est l'interdiction d'utilisation d'une idée, interdite pour 20 ans. Si l'idée brevetée correspond à faire quelque chose dans un programme, c'est un brevet informatique. Même les utilisateurs peuvent être poursuivis, ainsi que les agences publiques quand elles utilisent des ordinateurs.

L'informatique n'est pas un champ plus simple, mais plus facile par rapport à la quantité de choses à faire. On fait plus dans un programme, et cela compense.

Gérald Sédrati-Dinet: je pourrais faire tout ce que fait un programme avec mon cerveau, mais cela serait plus lent.

Question: quels conseils donnez-vous pour le développement de logiciels libres?

RMS: Pas de réponse générale. Chaque cas est différent. Parfois, cela consiste à ne pas pouvoir proposer un programme pour faire quelque chose.

Question: Si 50 pays africains, avec des morts sur la conscience, car ils ne peuvent développer leurs propres médicaments, font des pressions sur les hommes politiques pour faire interdire les brevets sur les médications, l'interdiction du brevet logiciel ne pourrait-elle pas ouvrir une faille dans le brevet en général, ne pourrait-elle pas créer un précédent par rapport à d'autres lobbies industriels, informatiques et leurs avocats?

Gérald Sédrati-Dinet: l'industrie de l'informatique et l'économie de la connaissance justifient en soi la bataille, sans penser aux conséquences sur d'éventuelles brèches.

Jérôme Relinger: il existe dans le mouvement du libre, une méfiance par rapport au politique. Pourtant il y a existe des options différentes chez les hommes politiques, et elles ne sont pas le fruit du hasard.

RMS décrit ce que serait une société de la brevetabilité logicielle: un monde du péage sur toutes nos pensées et nos actes. Certains dans la société comme chez les politiques n'ont rien contre ce monde. D'autres se battent contre. Il existe ainsi beaucoup de gens (dont de nombreux dans cette salle) qui développent du temps et de l'énergie dans le logiciel libre et croient à une société du partage, que l'humanité progresse en mutualisant les ressources...

Ce choix du partage contre le péage renvoie à nos grands choix de société. Tous les hommes politiques ne sont pas des idiots naïfs. Certains sont pour le libéralisme et les lobbies. Un exemple de cet antagonisme: le projet Giscard de Constitution, soutenu par tous les partis soutenant également le Logiciel Libre à l'exception du PCF. Si cette constitution est adoptée, elle imposera, pour la première fois dans l'histoire du droit (à l'exception de la constitution... soviétique), un système économique («où la concurrence est libre») de façon constitutionnelle. Comment dès lors par exemple vouloir préférer le Logiciel Libre dans les administrations publiques? Comme les services publics, les Logiciels Libres ne résisteraient pas à l'institutionnalisation du libéralisme.

Le «marché» quasi monopolistique du Logiciel aura beau jeu de dénoncer une entrave à la concurrence, comme il menace de le faire au Pérou, comme il l'a fait en Inde ou en Afrique du Sud. N'est-ce pas dans cette même logique que la directive européenne dite «brevetabilité logicielles», acceptée par une commission représentant les courants politiques prétendument acquis au Libre, vient menacer mortellement la dynamique du Logiciel Libre, au point de reporter sine die le passage prévu de la Ville de Munich au Libre?

Bref, il y a des options différentes, des modèles de société différente, et la classe politique est traversée de cette contradiction. Si on les met tous dans le même sac, c'est sans espoir, car il y aura toujours des majorités mécaniques à la Commission de Bruxelles. Mais il y a aussi croient qu'un autre monde est possible: à nous de rassembler les énergies et les bonnes volontés pour faire avancer les idée du Libre.

RMS: Il est essentiel de reconnaître que même les parlementaires de la droite peuvent être opposés aux brevets informatiques. Le vote du Parlement rassemblait gauche et droite; presque tous les partis ont voté contre. Nous devons chercher la porte dans tous les partis, et ne pas mêler cette bataille à des questions politiques plus grandes.

La plupart des législateurs ne comprennent pas l'informatique. On peut les convaincre avec des arguments simples... et faux (mais ils ne peuvent pas le voir).

Ex: les USA sont le pays du monde avec le plus d'ordinateurs et d'informatique. C'est donc grâce aux brevets... Non! C'était déjà ainsi avant les brevets.

Ex: les USA ont les brevets, l'Europe non. Cela avantage donc les entreprises américaines...

Non! En vérité c'est le contraire: on peut obtenir des brevets aux USA et attaquer les Américains chez eux. Personne ne pourra attaquer les Européens chez eux.

La majorité des brevets acceptés par le bureau des brevets européen appartient à des étrangers, et ces brevets sont validés bien que le traité de lancement dise que cela est impossible. Le bureau des brevets européen ne suit pas ses propres règles...

On peut convaincre plus justement avec une analogie à un système imaginaire de brevets musicaux.

Si le XVIIIème siècle avait voulu promouvoir le progrès en musique symphonique avec des brevets sur les idées musicales (on aurait pu breveter tout ce qu'on aurait pu décrire par des mots: série d'accords, structure formelle d'un mouvement, combinaison spécifique des instruments...). Imaginons que vous êtes Beethoven, et que vous vouliez écrire une symphonie en 1800: il aurait alors été plus difficile d'éviter d'être poursuivi que d'écrire une bonne symphonie... On vous aurait alors dit: «Beethoven, vous êtes jaloux car nous avons inventé ces idées avant vous; allez donc inventer les vôtres...» Beethoven avait pourtant beaucoup d'idées nouvelles, qu'il ne pouvait exprimer qu'en les combinant avec des brevets déjà connus.

Presque personne ne réinvente entièrement la musique. Ceux qui essaient n'ont guère de succès: personne n'écoute Pierre Boulez... Même un génie ne peut inventer l'informatique de zéro et écrire des programmes nouveaux.

Gérald Sédrati-Dinet : les quatre questions posées au gouvernement français émanaient de députés du PC, du PS, de l'UMP, et de l'UMP. Au Parlement européen, tout les partis, du PC aux libéraux, avaient voté contre les brevets logiciels. Nous embrassons donc tout l'éventail du choix politique.

Question: Actuellement, la loi n'est pas passée. Un logiciel breveté aux USA peut-il être utilisé en Europe sans payer une licence?

RMS: les idées sont brevetées. Sinon, les brevets seraient si étroits qu'ils ne poseraient pas de problème.

Si une idée est brevetée aux USA, le brevet s'applique aux USA, pas en Europe.

Question: ce combat concerne autant le logiciel libre que le logiciel propriétaire ou le logiciel privé. On entend beaucoup de gens du logiciel libre parler contre le brevet. Quid des autres? Microsoft?

RMS: Microsoft est une grande entreprise globale qui tente d'utiliser les brevets pour nous attaquer. Elle reçoit[???] deux brevets par semaine. Elle a récemment raté un brevet antispam (sans paiement mais dont les termes interdisaient le logiciel libre). Le comité a refusé sa proposition.

Gérald Sédrati-Dinet: Le prochain grand rendez-vous sera les 9 et 10 novembre à Bruxelles, au Parlement, associé au CEAPME (qui rassemble des millions de PME en Europe), et à ObjectWeb (consortium des entreprises du logiciel libre) et de grandes entreprises, ayant signé publiquement un appel contre le logiciel propriétaire[???]

Question: Existe-t-il une volonté politique de changer cette loi sur les brevets logiciels aux USA?

RMS: pas assez.

Question: D'où vient ce délai de 20 ans? Est-il possible qu'il évolue?

RMS: Il est impossible à changer maintenant; il est exigé par un traité TRIPS mais que j'appelle TRIPES (Trade-Restricting Impediments to Production, Education and Science).

Question: Comment un développement de logiciel, qui comprend plein de règles du savoir et du patrimoine de l'humanité, qui ne devraient pas pouvoir être brevetés... les grandes entreprises veulent le piller et faire payer des redevances... ne peut-on pas faire valoir les lois sociales relevant du patrimoine de l'humanité?

Question: Les lois et les brevets sont propres à chaque pays; la communauté du libre est internationale. Qu'est-ce qui empêche un développeur américain de contacter un développeur européen pour lui fournir son code source, qu'il mettrait à disposition de tous au nom de la communauté... Cela ne serait un frein que si tous les pays du monde interdisaient les brevets.

Gérald Sédrati-Dinet : Ce qui pourrait empêcher: l'OEB a déjà accepté 30.000 brevets. Voir l'affiche que j'ai apportée (NDsbi: http://webshop.ffii.org), qui montre 20 brevets concernant une boutique web. Il y a de gros intérêts et pressions pour les valider et faire passer la loi.

C'est une question qui fut posée à la dernière conférence: devrai-je aller programmer sur la Lune? Ce n'est pas une réponse que de fuir. Si on interdit les brevets en Europe, les entreprises seront plus compétitives, l'innovation favorisée, et les Américains pourront alors nous imiter.

Question: ...copyleft...

RMS: les brevets et droits d'auteur n'ont rien en commun. Il n'y a pas d'analogie avec la gauche d'auteur. Il n'existe pas de symétrie, de ressemblance entre ces deux domaines légaux. Ne pas supposer que les brevets sont comparables aux droits d'auteur avec quelques changements de détail.

Question: Une grande entreprise comme Red Hat pourrait proposer un brevet et le réserver aux développeurs de logiciel libre...

RMS: c'est possible, mais cela serait attaquer. Je veux la paix. Je ne propose pas aux gens d'obtenir des brevets pour attaquer les développeurs propriétaires. C'est une arme plus dangereuse pour nous; c'est donc idiot de commencer une agression avec cette arme! Je proposerais des licences croisées.

De plus, Red Hat est de taille moyenne, ce n'est pas une grande entreprise. Elle ne peut pas obtenir beaucoup de brevets. Même pas 100, probablement même pas 20.

Question: il existe des accords pour obtenir les mêmes brevets non logiciels en Europe qu'ailleurs. Si cette loi passe, que deviendraient les brevets déposés aux USA etc.

RMS: le détenteur d'un brevet pourra le porter en Europe si ce brevet est autorisé en Europe. Si l'Europe autorise les brevets informatiques, la majorité des brevets américains y viendraient, sauf si les conditions sont plus strictes (ces conditions n'ont en effet pas besoin d'être égales: certains brevets pourraient ne pas passer, mais beaucoup oui).

Question: mais cette loi impliquerait que toutes les entreprises européennes prennent 10 ou 20 ans de retard sur les entreprises étrangères, car elles n'auraient pas pu déposer les mêmes...[???] elles peuvent toujours le faire

RMS: les grandes entreprises européennes possèdent des brevets aux USA.

Jérôme Relinger: Je vois que nous sommes de plus en plus nombreux à lutter contre les brevets logiciels en Europe. Merci RMS pour cette tournée européenne contre les brevets logiciels et pour son passage dans le XIIIème. Merci à vous toutes et tous de votre présence.