Paris, Capitale du libre ?
Paris est le siège d'un grand nombre d'associations et de collectifs qui agissent autour des problématiques numériques. Nous avons des interrogations sur ce que les candidats aux municipales ont prévu (ou pas ?) sur le sujet dans leur programme. Ces questions sont destinées à essayer d'établir un point de comparaison entre les différentes listes.
Les pouvoirs publics, au niveau (inter)national comme local, prennent de plus en plus souvent position, pour leur équipement propre (bureautique, serveurs divers, formats des fichiers échangés, etc) pour des solutions alternatives, souvent basées sur des formats ouverts pour permettre une meilleure interopérabilité.
- Quelle position avez-vous sur le sujet ?
- Pour commencer, il faut rappeler que les Verts sont favorables au Libre. Cela entre dans l'économie sociale et solidaire. Le modèle du Libre repose sur le partage, le pluralisme, l'émulation collective et le développement durable (formats ouverts et partage/accumulation des connaissances).
- le Référentiel Général d'Interopérabilité (RGI) attend son décret d'application, sous l'influence de Microsoft, des associations de maires freinent. Nous n'attendrons pas le décret pour l'appliquer.
- La ville de Munich, sous l'impulsion notamment des Verts allemands, ont fait passé les postes de l'administration sous logiciels libres. C'est une stratégie qui prend plusieurs années.
- Un étude d'impact a été réalisée pour la ville de Paris, mais la mise en œuvre effective se fait toujours attendre. Néanmoins on peut se féliciter de la libération du logiciel Lutèce par la ville de Paris en 2001.
- Quelles dispositions de votre programme municipal adressent ce sujet ?
- L'initiative candidats.fr de l'APRIL (Association de promotion et de défense du logiciel libre), que nous approuvons, propose de préférer les logiciels libres, les formats ouverts et d'accompagner les bénéficiaires par une sensibilisation au sujet. J'ai signé, ainsi que de nombreux candidats Verts, le pacte Candidats.fr.
Certaines collectivités publiques ont prévues une exigence systématique sur l'interopérabilité et sur les formats ouverts dans leurs appels d'offre et dans la passation des marchés publics.
- Quelles sont les propositions dans ce domaine de votre liste ?
- Nous savons que c'est possible à intégrer dans les marchés publics, notamment grâce au guide publié par la DGME (Direction générale modernisation de l'Etat).
- C'est l'application du RGI.
- D'autres dispositions peuvent concerner les acteurs locaux (leur réserver tout ou partie de ces marchés, par exemple), quelle est votre position sur ce thème ?
- Réserver c'est interdit, mais si le Libre est rendu possible ou obligatoire par l'appel d'offre, les entreprises du Libre peuvent soumissionner. Il n'y a pas de péage imposé par les gros éditeurs (pas de licence ni de franchise). Les sociétés de services en logiciels libres (SSLL) locales peuvent répondre.
Le secteur informatique représente une part importante de l'économie parisienne, et dans ce secteur les entreprises du logiciel libre jouent un rôle particulier (emploi véritablement local, et pas simple revente de solutions importées, par exemple).
- Quelles dispositions de votre programme permettent d'accompagner le développement de ce secteur de l'économie parisienne ?
- Le pôle compétitivité, c'est l'Etat, le conseil régional et des entreprises privées et associations. La ville de Paris peut accompagner ce pôle de compétitivité, c'est dans notre programme, ainsi que de continuer à accueillir le Libre dans Silicon Sentier.
- Dans le 2e arrondissement, Les Verts proposent de profiter de la fin du bail du Palais Broignart, à deux pas, pour orienter l'activité vers les NTIC, avec bien évidemment un accent particulier mis sur le Libre.
Plus généralement, ce sont les choix politiques (Libre dans les commandes publiques) qui permettront le développement et le focus médiatique.
Le secteur du logiciel libre est identifié comme un secteur clef de l'économie. À tel point qu'un pôle de compétitivité sur le sujet se monte en Île-de-France. Ce secteur est, en grande partie, animé par des associations. Nombre d'entre elles ont leur siège à Paris, et mènent tout ou partie de leur activité à Paris. On trouve aussi des associations, à Paris, dans tous les domaines du numérique.
- Quelle place avez-vous prévu pour aider ces associations dans la politique municipale ?
- EPN (espaces publics numériques) : un lien, un cœur de quartier. La très grande majorité des EPN sont de statut associatif. Ils reçoivent déjà le soutien de la ville. Avec la multiplication des EPN, les associations s'en trouveront renforcées.
- Soutenir les associations qui font la promotion du Libre, de la sensibilisation (des parisien-ne-s, du public) aux enjeux, ou défendent le Libre. D'une manière générale, le tiers secteur est un des axes de l'économie sociale et solidaire que les Verts souhaitent voir se développer.
- Quelle implication avez-vous prévue des experts issus de ce monde associatif dans les choix de politique municipale ?
- C'est plus largement la question de la démocratie participative... Les acteurs locaux, notamment associatifs ont autant de raisons de participer aux travaux sur le numérique que sur les autres sujets. D'autant qu'elles apportent des éléments de réflexion et un point de vus à prendre en compte lors de la prise de décisions.
- Par ailleurs, des militants des Verts sont souvent engagés dans des mouvements associatifs, pour le Libre également. Par exemple, le programme des municipales des Verts de Paris a été élaboré avec une consultations d'associations.
- Le programme prévoit aussi l'utilisation d'Internet pour l'expression citoyenne au service de la démocratie participative.
Le tournant du numérique est probablement le changement de culture et de société le plus important depuis la révolution industrielle. Ce tournant à des impacts mineurs, comme le passage à l'appareil photo numérique, et d'autres impacts beaucoup plus complexe, comme le changement du rapport à la connaissance, ou des changements très profonds dans notre société (cf. « Confessions d'un voleur », Laurent Chemla, Ed. Denoël, disponible en ligne http://www.confessions-voleur.net).
Ces changements demandent un accompagnement, bien entendu national, mais aussi, de manière très importante, municipal.
- Quelles dispositions proposez-vous pour permettre la formation des enfants, non à un outil, mais bien à des concepts ?
- En matière éducative, quelles sont les dispositions de votre programme permettant d'accompagner le tournant numérique ?
- Les EPN, les centres de loisirs, les écoles doivent être en Libre, multiplier les points d'accès, pourquoi ne pas mettre les salles informatiques des écoles à disposition du public les mercredis et samedis ? [C'est pourquoi Denis Baupin a clairement dénoncé l'accord récent entre la Ville de Paris et Microsoft à l'occasion de la visite de Bill Gates.]
- il y a un devoir républicain de neutralité technologique, on doit enseigner la pratique, pour permettre l'usage. Explication : outil = microsoft word ou openOffice.org ; pratique = écrire une lettre traitement de texte ; usage = réaliser un dossier. En enseignant la pratique ou l'usage, on se détache de l'outil = neutralité.
- Quels plans d'équipement avez-vous prévu, et suivant quelles orientations ?
- Équipement des associations, des EPN, des écoles, des collèges. Privilégier les lieux de rencontre autour du numérique.
- Développer l'équipement individuel n'est pas vraiment écologique, ni ne favorise la sociabilité, sauf si on l'accompagne d'une seconde exigence, comme :
- une seconde vie du matériel
- l'appropriation avant l'acquisition (monter soi-même, sensibilisation aux enjeux...)
- ... et en libre évidemment
- Quelles solidarités avez-vous prévu pour permettre à l'ensemble des enfants scolarisés d'avoir le même niveau d'équipement ?
- EPN, accès gratuit et pour tous.
- Expérimentation de portable pour des publics cible, (sans préjuger de la conclusion, car c'est sujet à débat).
- Équipement des centres de loisirs, salles informatiques écoles ouvertes en dehors des heures de classes.
- Comment vos propositions s'articulent-elles avec les politiques (ou l'absence de politique) départementales, régionales et nationales ?
- Départementales : sans objet à Paris.
- Régional : Le Conseil régional dote les lycéens de clé USB avec des logiciels libres. La ville va donc œuvrer en complément. Par ailleurs, le Conseil régional est adhérent de l'APRIL !
Il faudra étudier la possibilité de faire adhérer Paris à l'APRIL.
- National : avec la droite, ça ne va pas être simple...
Les lois votées ces dernières années ne sont pas adaptées au monde numérique et restreignent les libertés : LSQ, LcEN, DADVSI.
- La délégation aux usages de l'internet n'a fait que relayer les discours des grands groupes (Microsoft, Vivendi-Universal...) y compris dans leurs campagnes de prévention auprès des jeunes dans les établissements scolaires. Les opérations « ordinateurs portables à 1€/jour » n'est pas intéressante, sauf pour la grande distribution et les banques.
Le tournant numérique ne concerne pas que nos enfants: il est rapide, et s'imposera aussi aux adultes, sortis du circuit scolaire.
- Quelles sont vos propositions pour permettre l'éducation populaire dans ce domaine ?
- Quel accompagnement proposez-vous pour les analphabètes de l'ère numérique ?
Multiplication des EPN, accompagnement par des animateurs compétents et dont le rôle soit reconnu. EPN dans les foyers de personnes âgées, les foyers de travailleurs migrants.
Donner mission aux EPN soutenus par la ville de contribuer à la culture scientifique et technique, notamment autour de l'informatique, du multimédia et de l'internet. Permet aux publics de participer aux débats et devenir acteur : lecture critique de l'image et des sites web, Libre, brevets logiciels, puces RFID, biométrie...
- Que proposez-vous pour que la fracture sociale ne s'accompagne pas d'une fracture numérique entre parisiens ?
Certaines initiatives comme un service minimum numérique dans les habitants sociaux vont dans le bon sens. Les équipements collectifs viennent s'ajouter à cela : école, espaces publics numériques,...
L'arrivée de la fibre optique à Paris est un enjeu important. Bien entendu un enjeu industriel, mais pas seulement. En particulier, la fibre optique est une opportunité de faire revenir une notion de service public dans l'accès au réseau et aux contenus numériques. Cette arrivée de la fibre optique peut être l'occasion d'asseoir les oligopoles actuels, ou de permettre une dynamique locale et sociale.
- Quelle est la position de votre liste sur le développement actuel de la fibre optique à Paris ?
- Quelles sont vos propositions pour permettre que des opérateurs locaux, rendant un service de proximité aux particuliers et aux entreprises, émergent à Paris ?
- c'est la même logique que les AMAPs, c'est l'économie sociale et solidaire. Intéressant de laisser de la place aux opérateurs « alternatifs », souvent de forme associative ou coopérative. Donc négocier avec les opérateurs pour l'ouverture des infrastructures (fibres, répartiteurs télécom) soient possible facilement, y compris pour les petits.
- Quelle utilisation proposez-vous des compétences en matière de communications électroniques ouvertes par l'article L1425-1 du code des collectivités territoriales ?
Il y a danger que certains quartiers, voire certains immeubles, soient délaissés. Pour cela, peser pour exiger des opérateurs qu'ils couvrent tous les quartiers et l'ouverture aux acteurs de l'économie sociale et solidaire est nécessaire. Mais si ce n'est pas suffisant, la ville pourrait intervenir par une délégation de service public pour poser l'infrastructure de fibres optiques
- Quelle articulation avez-vous prévue entre les initiatives privées et les volontés publiques en matière de développement de la fibre optique ?
Un réseau public serait aussi des garanties que l'on évite la constitution d'un oligopole. Après une phase de concurrence intense, on arrive pratiquement à un jeu à 3 aujourd'hui.
Il y a derrière le regroupement des mastodontes un risque potentiel de limiter ou orienter les accès aux contenus et aux services. Les opérateurs mobiles sont les rois sur la question, ils choisissent les services auxquels on a accès. Le débat existe aussi aux Etats Unis (sur la net neutrality).
C'est pas pour rien que Vivendi fait fusionner NeufCegetel et SFR, ou que France Telecom se lance dans les achats de droits audiovisuels et la création de chaînes... Après le triple play (internet, téléphone fixe, tv), ils veulent vendre le quadruple (+mobile) et quintuple (+contenus).
Déployer une infrastructure publique peut permettre d'ouvrir l'accès du réseau (à des opérateurs locaux, à des fournisseurs de contenus ou de services)...
L'une des conséquences de ce tournant numérique et du succès du modèle économique du libre, est l'utilisation de ce modèle dans des secteurs nouveaux. Par exemple, dans le monde de la création, le modèle de l'art libre se développe rapidement. Il offre une approche nouvelle de la diffusion de la culture, en permettant de s'affranchir d'une partie de la contrainte économique.
- Votre programme prend-il en compte ce mouvement ?
Une première manifestation de cette volonté est en ligne sur le site de campagne www.baupin2008.fr où quelques œuvres libres sont en ligne et ouvertes à commentaires des internautes.
- Quelles dispositions, en matière de politique culturelle, votre programme propose-t-il qui permettent d'inclure l'art libre ?
- Quels espaces de diffusion proposez-vous pour ces nouvelles formes de création ?
- L'ouverture de lieux alternatifs culturels dans les arrondissements ne pourra que profiter aux nouvelles formes de création."
Nous proposons d'implanter des espaces de création partagés, des équipements de style « ruche » Ces nouveaux types d'équipements, à échelle humaine, organisés autour du partage de l'espace et de la mutualisation des moyens techniques, permettront aux artistes (professionnels ou en voie d'émergence), aux enseignants et aux amateurs de travailler sans objectif de rentabilisation par une présentation publique. Pour faire vivre ces lieux, la création de coopératives de production et de diffusion sera facilitée. Par ailleurs, nous proposons la construction et le réaménagement d'ateliers d'artistes dédiés à un nombre élargi de disciplines.
- Les licences de l'art libre permettent de garantir une meilleure pérennité des créations, par exemple en s'affranchissant de l'extinction d'une activité économique, quel recours prévoyez-vous à ces licences pour garantir que les créations sponsorisées par la municipalité seront pérennes ?
- Quel référencement proposez-vous des œuvres et des artistes issus du monde du libre?
La commande publique dans le cadre de la politique culturelle de la ville peut encourager : lors des nuits blanches, des expositions à l'hôtel de ville ; Libre doit avoir toute sa place...
Après discussion, les bornes dans bibliothèques Dogmazic permettant aux usagers de télécharger et échanger des œuvres musicales libres paraît très intéressante ; des médiateurs dans les bibliothèques pourraient être sensibilisés à de la culture libre, et accueillir des intervenants.
Tous ces problèmes, soulevés par le tournant numérique, sont complexes et transverses. Ils touchent à de très nombreux domaines de l'action municipale (éducation, économie, déploiement des réseaux, politique culturelle, etc).
- Y a t-il, sur vos listes, quelqu'un désigné pour traiter de ces sujets?
Est-ce une question de personne ou une question de prendre en compte la problématique ? Notre programme fournit la preuve que le numérique et le Libre ne sont pas oubliés.
- Quel mode d'action et d'organisation proposez-vous pour permettre une politique dynamique et véritablement transverse sur le sujet?
Les réponses aux questions montrent que la dynamique est là.
Les Verts sont les seuls à proposer un programme réellement cohérent formant un vrai projet réaliste et qui peut faire changer la ville, alliant social, démocratie et environnement.
Trois manques dans le questionnaire sur le numérique :
- 1. les libertés numériques.
Le numérique prend de plus en plus de place dans la vie. La CNIL est là pour préserver les libertés, mais ça ne suffit pas. A l'instar d'autres villes ou de la RATP (Navigo), il pourrait être proposé une charte des services électroniques de la ville de Paris.
Pendant le mandat, Marie-Pierre Martinet a posé le débat de la biométrie dans les cantines des écoles. Heureusement, car son installation n'est pas anodine. Vigilance à poursuivre.
- 2. les questions de santé !
Des avancées ont été faites grâce aux Verts avec une charte pour l'installation des antennes relais GSM.
Des études en cours sont encore indécises sur le WiFi. Le principe de précaution encourage à quelques réserves : ne pas installer et brancher en permanence un borne wifi à côté d'enfants. Ce n'est pas un problème dans les parcs publics (bornes à distances) et les bibliothèques (passage des usagers plutôt que station permanente). Dans tous les cas, le WiFi est bien moins nocif que le GSM.
- 3. le numérique peut contribuer à la préservation de l'environnement
Par exemple en évitant des déplacements : visioconférence, téléformation, télétravail.
Certains EPN sont également labélisés P@T (Point d'accès à la téléformation), ils participent donc à la formation tout au long de la vie. Ils pourraient aussi être ouverts à la visioconférence, par exemple pour que des candidats ou des employeurs puissent assurer des entretiens d'embauche par visiophonie.
Denis Baupin, tête de liste des Verts à Paris.